3 questions à Jacques Schiltz de l'ensemble "Volleksbühn"

"Il n'y a pas de vrai remplacement pour le théâtre que nous connaissons et aimons tous."

Un acteur de théâtre sans scène, cela semble inimaginable. Cependant, l'ensemble Volleksbühn a créé un format spécial selon lequel le public décide chaque semaine quelle pièce classique sera présentée digitalement.

© Jacques Schiltz Jacques Schiltz

Comment est née l'idée pour ce projet?

Nous étions en train de préparer un autre projet jusqu'à début mars, The Big Sleep. Ce projet aurait été réalisé sous la direction d'Anne Simon dans une villa à Cents. Comme il devenait de plus en plus improbable que le projet puisse avoir lieu à la date prévue, notre ensemble a rapidement décidé de rester artistiquement actif malgré la situation actuelle. Parce que nous ne voulions pas présenter des projets qui étaient déjà en préparation, sous une forme stérilisée pour l'internet, et parce que nous voulions intégrer le public, nous avons eu l'idée d'adapter régulièrement des pièces classiques et de laisser le public déterminer une pièce chaque semaine. L'idée de la pièce de la semaine a donc surgi et nous nous sommes posés la question comment présenter le théâtre sous une forme nouvelle et originale en ligne, sans recourir aux méthodes les plus courantes.

Comment est-ce que vous vous préparez et à quel point ce format numérique est-il inhabituel pour vous?

Nous pensons que la qualité du théâtre n'émane pas nécessairement des années de préparation minutieuse, mais au moins autant de décisions spontanées qui sont prises sous une certaine pression et où les contraintes déterminent l'esthétique du projet. À la fin de la semaine, bien sûr, il y a beaucoup plus de rock and roll que d'habitude: parce que nous n'avons qu'une semaine pour créer la pièce, toutes les décisions importantes doivent être prises en très peu de temps: les rôles, le texte, le concept de la régie, etc. Tout doit être décidé pendant une seule journée pour que nous puissions commencer immédiatement avec les répétitions. Les répétitions sont faites en partie individuellement, en partie en groupe. Nous sommes très heureux d'avoir le soutien de Cay Hecker, avec le savoir-faire technique et informatique duquel, nous pouvons réaliser nos idées les plus farfelues. Ce travail est tellement excitant, mais aussi épuisant, parce que quelque chose de comparable n'a jamais été fait auparavant. Cependant, nous n'allons pas encore jusqu'à dire que tester ce format ou cette façon de répéter serait conseillé même en dehors d'une crise. On devrait encore développer la forme et expérimenter un peu plus. Mais pour faire cela, on a besoin de temps et il n'y a pas de vrai remplacement pour le théâtre que nous connaissons et aimons tous.

Quel est votre point de vue sur la situation actuelle de la scène théâtrale?

Au Luxembourg, heureusement, des mesures importantes ont été prises pour aider les artistes et pour ne pas renforcer la peur du lendemain que beaucoup d'entre nous ont déjà à vivre. C'est bien sûr tragique pour tout le travail que les théâtres, collectifs et artistes ont déjà investi dans leurs projets, qui actuellement ne peuvent plus se dérouler comme prévu, s'ils ne sont même pas complètement annulés. Il est bien que les acteurs de la scène culturelle montrent sur internet, d'une manière ou d'une autre, qu'ils restent actifs. Peut-être que cela réussira même à attirer un nouveau public et peut-être, il en résultera de nouvelles formes d'art ou de médiation que nous pourrons également maintenir à l'avenir. Jusque-là, nous devons considérer ceci comme une phase de transition, qui ne peut concourir avec l'expérience théâtrale traditionnelle, même en partie. Naturellement, les nouveaux formats en ligne ne convainquent pas tout le monde. Par conséquent, on doit également respecter si l'un ou l'autre utilise le temps de confinement différemment et ne souhaite pas participer à des projets pendant un certain temps. Le moment le plus excitant et le plus important n'est que lorsque la crise est vraiment terminée. De nombreux scénarios circulent actuellement. Cela va de l'apocalypse la plus sombre à l'utopie la plus fantastique. Très probablement, la vérité se situe quelque part entre les deux. Je suis cependant convaincu que les artistes et les théâtres peuvent jouer un rôle majeur dans la création de visions pour façonner notre coexistence et notre avenir. J'espère qu'ils prennent ce moment comme une responsabilité et une opportunité unique, plutôt que de simplement avancer, comme si de rien n'était. Bref, mon grand espoir est que la culture reçoive une plus grande valeur par la suite, comme jamais auparavant dans ma génération.

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