Maggy Nagel au sujet de la scène culturelle au Luxembourg

"Peut-être faut-il faire un peu moins, avec une autre qualité"

"Le Mudam estime qu'il lui manque 350.000 euros par an pour équilibrer son budget... Je pense qu'il faut rediscuter toutes les conventions en cours et voir comment ces maisons peuvent s'organiser autrement. Prenons le Mudam, ses frais de fonctionnement sont énormes! Je ne veux pas qu'il ne soit plus en mesure d'avoir une programmation artistique. Mais peut-être faut-il faire un peu moins, avec une autre qualité. Si l'on fait moins, il y aura moins de frais."

Luxemburger Wort: Madame Nagel, qu'est-ce que la culture peut apporter au pays?

Maggy Nagel: La culture est toujours l'enfant pauvre dans la mentalité des gens au Luxembourg. Mais pourtant elle détermine le mode de vie de notre société. Elle est à la base de toute cohésion sociale. C'est un challenge pour moi de pouvoir agir à ce niveau-là.

Luxemburger Wort: Vous découvrez les milieux culturels. Quelles sont vos premières impressions?

Maggy Nagel: Ces personnes sont toutes très engagées. Elles vivent pour leur maison, leur programmation. C'est formidable. J'ai découvert au fil des discussions des programmes que je ne connaissais pas auparavant. On a beaucoup d'offre culturelle, mais je trouve qu'elle n'a pas suffisamment de visibilité. Je souhaiterais que le ministère devienne la plate-forme de diffusion de tous les programmes au niveau culturel.

Luxemburger Wort: On connaît désormais vos arbitrages budgétaires pour 2014. Pensezvous que les institutions culturelles seront à même de réaliser leurs missions dans ce cadre financier?

Maggy Nagel: Le Mudam par exemple estime qu'il lui manque 350.000 euros par an pour équilibrer son budget... Je pense qu'il faut rediscuter toutes les conventions en cours et voir comment ces maisons peuvent s'organiser autrement. Prenons le Mudam, ses frais de fonctionnement sont énormes! Je ne veux pas qu'il ne soit plus en mesure d'avoir une programmation artistique. Mais peut-être faut-il faire un peu moins, avec une autre qualité. Si l'on fait moins, il y aura moins de frais.

Luxemburger Wort: Mais cela ne veut pas dire qu'il y aura moins de frais de chauffage...

Maggy Nagel:...C'est vrai. Mais cela n'est pas mon problème. Tout cela vient de ce qu'un politicien s'est offert un monument de prestige il y a des années. On est saturé au niveau des infrastructures dans le pays. Et on est contraint encore de construire la nouvelle bibliothèque nationale! J'apprécie qu'on le fasse mais je dis que les 122 millions d'euros sont un coût énorme. Dans une situation de crise, on ne peut plus envisager de monuments de prestige. Pour revenir au Mudam, ceux qui sont là s'engagent à 300% mais on a vraiment un problème! On doit ou bien réduire, ou bien partiellement fermer. Ce point fait partie des discussions que je dois mener dans le cadre de la renégociation des conventions.

Luxemburger Wort: Le musée pourrait partiellement fermer?

Maggy Nagel: Non, je parle d'autres instituts.

Luxemburger Wort: Que pensez-vous de la situation actuelle de la Bibliothèque nationale?

Maggy Nagel: Cela me choque. Mais cela me choque encore plus concernant les Archives nationales. Elles ont eu la chance de pouvoir déménager provisoirement dans des bâtiments publics. Mais après? Que fait-on avec la mémoire de l'Etat? On ne peut pas se contenter d'une solution provisoire. Il faut savoir que chaque année, quatre kilomètres d'archives s'ajoutent à l'existant. Je trouve que l'on aurait dû d'emblée réfléchir à un bâtiment conjoint pour la Bibliothèque et les Archives. Maintenant, il est trop tard pour le faire, que ce soit dans le bâtiment ou à l'extérieur. Je me sens très mal à l'aise avec cette situation.

Luxemburger Wort: Les arbitrages financiers ont-ils déjà été faits pour les associations conventionnées?

Maggy Nagel: Les conventions vont, là aussi, être rediscutées. Nous faisons actuellement une analyse sur base d'un catalogue de questions que l'on pose aux associations. Cela déterminera des critères d'attribution des subventions. Il faut aller vers une autre répartition. Par exemple, je ne vois pas pourquoi les centres culturels régionaux ne seraient pas traités suivant les mêmes critères que les centres nationaux. Et puis, nous devons avant tout nous recentrer sur les projets. Nous n'allons plus passer partout avec l'arrosoir, comme cela s'est fait jusqu'à présent pour le moindre anniversaire dc fanfare.

Luxemburger Wort: Les institutions culturelles doivent s'engager financièrement bien en amont des manifestations. Comment vont-elles gérer la période d'incertitude qui s'ouvre?

Maggy Nagel: En 2014, rien ne va changer. Il y aura une autre approche pour 2015.

Luxemburger Wort: La transparence figure dans le chapitre culturel du programme du gouvernement. Concrètement, qu'estce que cela signifie?

Maggy Nagel: Eh bien pour commencer vous pourrez lire dans notre prochain rapport pour 2013 toutes les conventions que nous avons avec les institutions ou associations, ainsi que les montants attribués. On verra qui reçoit quoi. Par ce biais, je veux avoir une discussion et une réflexion dans le pays sur le financement du secteur culturel.

Luxemburger Wort: Concernant la gouvernance des institutions culturelles, jusqu'où le ministère ou vous-même pouvez intervenir dans leur gestion?

Maggy Nagel: Nous leur donnons les moyens financiers nécessaires à leur fonctionnement et nous avons dans chaque conseil d'administration un représentant du ministère. Celui-ci doit jouer le rôle de contrôleur ou de porte-parole de la politique gouvernementale.

Luxemburger Wort: La décision d'annuler la tournée de l'OPL en Chine relève ainsi des compétences de l'Etat?

Maggy Nagel: C'est une décision budgétaire. Le conseil de gouvernement a décidé de ne pas donner les 350.000 euros supplémentaires demandés pour un voyage en Chine. Nous sommes d'avis qu'une tournée annuelle suffit. Or il y a déjà la tournée en Russie au mois d'avril.

Luxemburger Wort: Certains trouvent que la Philharmonie a une position trop dominante sur la scène culturelle. Quel est votre sentiment?

Maggy Nagel: Il a été décidé politiquement de donner une telle importance à la Philharmonie et moi, en tant que ministre de la Culture, je trouve qu'il est formidable d'avoir cette institution. Le problème que j'ai là encore, c'est que l'on fait des infrastructures et que l'on ne s'intéresse pas aux frais de fonctionnement.

Luxemburger Wort: L'ouverture des Rotondes de Bonnevoie est dans le pipe-line. Auront-elles les moyens de fonctionner?

Maggy Nagel: C'est ce qu'on est en train de voir. Je suis tout à fait en faveur de l'offre pour les jeunes et je crois qu'il y a un réel intérêt de leur part.

Luxemburger Wort: Malgré les coupes budgétaires, le programme du gouvernement prévoit la poursuite de l'aménagement du musée des Ardoisières de Martelange et de la Halle des Soufflantes de Belval. Où en sont ces projets?

Maggy Nagel: Le projet des Ardoisières avance.Le Service des Sites et Monuments est sur place. Cela fait partie de notre patrimoine et cela vaut la peine d'y investir. En revanche, la Halle des Soufflantes n'est pas une priorité car nous ne savons pas ce que l'Université va faire de ce terrain. C'est pour moi un cadeau empoisonné que l'Etat a reçu.

Luxemburger Wort: Le projet de création d'un Institut de l'Histoire du temps présent fait déjà couler beaucoup d'encre. Va-t-il se rajouter aux instituts de recherche qui existent déjà concernant la Deuxième Guerre mondiale?

Maggy Nagel: Le ministère d'Etat est chargé de discuter avec ces associations qui existent déjà. Pour ma part, je suis en train d'écrire un projet de loi. Il y aura d'un côté la recherche qui pourrait être logée à la Villa Pauly, de l'autre la partie visuelle qui pourrait être présentée au Musée de la Résistance de la ville d'Esch. Je voudrais avancer rapidement pour que tout cela soit finalisé en 2016, date à laquelle le Musée de la Résistance fêtera ses 60 ans. Je souli gne que ce qui me tient à coeur dans ce projet, c'est son indépendance.

Luxemburger Wort: Quels seront ses liens avec l'Université?

Maggy Nagel: Cette question est en discussion au sein d'un groupe de travail.

Luxemburger Wort: Qu'en est-il de la réforme du Service des Sites et Monuments?

Maggy Nagel: J'ai demandé aux Sites et Monuments qu'ils me fassent un inventaire de tous les bâtiments publics pour voir quels sont les bâtiments à classer. Cela n'a jamais été fait. En tant qu'Etat, nous devons faire notre travail avant d'aller voir les propriétaires privés pour les "emmerder" parfois avec les idées qui circulent au niveau de la protection du patrimoine.

Luxemburger Wort: Les gens voient souvent la culture comme un coût. La voit-on assez comme un outil de développement?

Maggy Nagel: Les industries créatives sont un secteur très important sur lequel le ministère de la Culture peut agir, avec le ministère de l'Economie. C'est pourquoi il me semble important de faire aboutir la réforme du statut des artistes, afin de donner davantage de sécurité aux gens qui travaillent dans ce secteur. J'espère pouvoir présenter un projet de loi modifié d'ici l'été.

Luxemburger Wort: On ne vous voit pas beaucoup aux manifestations culturelles. Par manque d'intérêt?

Maggy Nagel: Pas du tout mais je suis une personne qui travaille beaucoup. Lorsque j'ai hérité des dossiers je n'ai jamais pensé que ce serait aussi grave. J'ai 400 personnes de la scène culturelle à voir. J'en ai rencontré 300. Lorsque je connaîtrai les dossiers, alors je sortirai.

Luxemburger Wort: Quels sont vos centres d'intérêt personnels?

Maggy Nagel: Je m'intéresse à tout et, ce que je ne connais pas, j'aime le découvrir. J'adore l'opéra mais aussi le rock, la pop, les cabarets. Le rap et la poésie, je n'aime pas.

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