"Une histoire complexe, un chantier compliqué", Octavie Modert au sujet de l'ouverture du musée de la forteresse

Luxemburger Wort: Madame la Ministre, pouvez-vous nous confirmer que le Musée de la forteresse ouvrira bien ses portes cet été?

Octavie Modert: Conformément à ce que j'avais déjà annoncé à la Chambre des députés l'année passée, le musée va ouvrir ses portes en 2012. Nous avons fixé pour l'inauguration le week-end du 14 et 15 juillet.

Luxemburger Wort: Le 21 janvier 2010, la Chambre des députés a voté une rallonge budgétaire de 8,72 millions d'euros pour achever les travaux. Ceux-ci sont-ils terminés? Ont-ils pu être réalisés dans le budget imparti?

Octavie Modert: Les travaux ont avancé dans le calendrier que nous nous étions fixés, et dans le budget alloué. C'était le challenge sur lequel nous nous étions engagés il y a deux ans, et nous y sommes parvenus. Il reste à effectuer quelques finitions et la mise en place de la muséographie.

Luxemburger Wort: Les "défaillances" dans la gestion du projet, dénoncées par la Cour des comptes dans son rapport du 10 mars 2008, sont-elles désormais de l'histoire ancienne?

Octavie Modert: Je rappelle que j'ai repris ce dossier après mon arrivée au secrétariat d'Etat à la Culture, en 2005. J'ai moi-même demandé dès avril 2006 un audit du Musée de la forteresse. Avec mon équipe, nous avons remis le projet sur les rails. C'était un défi, mais aussi une obligation vis-à-vis des citoyens de ce pays.

Luxemburger Wort: Quinze années pour accoucher du projet et un coût qui passe de 16,5 à 41,4 millions d'euros: n'est-ce pas beaucoup de temps et d'argent perdu?

Octavie Modert: Il y a des questions pour lesquelles je ne peux pas me prononcer puisque j'ai pris le projet en cours de route. J'ai dû faire stopper le chantier en 2007 pour nous mettre en conformité avec la loi. Celui-ci a redémarré en 2010, après le vote de la loi de rallonge budgétaire. Depuis il s'est déroulé deux ans, ce qui me paraît un délai correct. Concernant le budget, j'observe qu'il s'agit quand même de l'un des musées les moins chers construits dans le pays, compte tenu de l'ampleur des travaux de restauration d'un site qui inclut aussi le circuit Vauban, le fort Niedergrünewald, la Porte des Bons Malades... Cela concerne un site allant des Dräi Eechelen au Pfaffenthal et au Grund. Une histoire complexe, un chantier compliqué. L'enveloppe initiale était sous-estimée.

Luxemburger Wort: Quels sont les moyens budgétaires prévus pour le lancement de ce nouveau musée et pour son fonctionnement, sachant que l'on ne voit pas de poste budgétaire ad hoc dans le budget du ministère de la Culture pour 2012?

Octavie Modert: Le budget du Musée de la forteresse n'apparaît pas puisqu'il est une section du Musée national d'histoire et d'art mais je peux vous dire que ce musée aura les moyens de fonctionner dans de bonnes conditions. Nous sommes en train de recruter du personnel de surveillance supplémentaire; par ailleurs, il y aura des synergies de personnel avec le MNHA. L'organisation des expositions a bien évidemment été également budgétisée.

Luxemburger Wort: La loi de septembre 2009, qui confie la gestion du Musée de la forteresse au "Centre de documentation sur la forteresse de Luxembourg", nouvelle section du Musée national d'histoire et d'art, prévoit deux volets dans la muséographie: l'histoire de la forteresse et du Luxembourg, mais aussi l'histoire de "la genèse de l'identité luxembourgeoise ou plutôt des identités au Luxembourg". Concrètement, où en est le projet de muséographie?

Octavie Modert: Il faut tenir compte du fait que ce musée n'est pas aussi grand qu'il le paraît. C'était un défi de rassembler en ce lieu une histoire millénaire, et d'ouvrir un espace au débat. Le choix a été fait d'une présentation qui réponde à des exigences scientifiques, mais qui soit aussi ludique, avec des techniques interactives. Il faut que le musée puisse intéresser e public le plus large, et non pas uniquement les spécialistes.

Luxemburger Wort: De nombreuses instances gèrent ce musée: MNHA, Sites et monuments, Université... Finalement, qui est responsable de quoi? N'aurait-il pas été plus simple qu'une seule instance gère l'ensemble?

Octavie Modert: Lorsqu'il n'y avait qu'une seule instance en charge du projet, cela n'a pas fonctionné. Je reste fondamentalement convaincue que l'Université doit être associée à ce musée pour permettre des discussions, en toute indépendance scientifique, sur la question des identités. Les grandeurs et les petitesses de notre passé doivent avoir une plateforme pour être débattues.

Luxemburger Wort: Compte tenu de la taille limitée du musée, fallait-il dédier un espace aux identités luxembourgeoises, à côté de l'histoire du Luxembourg et de la forteresse?

Octavie Modert: Je considère que les deux volets sont liés. C'est un tout. Notre histoire est complexe et il n'y avait pas de lieu dans le pays qui couvre cette thématique, de Sigismond à nos jours. C'est une question qui intéresse beaucoup de gens, les touristes mais également les résidents, d'origine étrangère ou non. Parallèlement, savoir d'où nous venons permet de comprendre notre société d'aujourd'hui, et vers où nous allons.

Luxemburger Wort: Le MNHA ne dispose pas de service de relations publiques. Qui va gérer la communication autour du lancement du musée de la Forteresse, et ultérieurement de ses activités?

Octavie Modert: Nous avons élaboré récemment la stratégie de communication que nous comptons mettre en oeuvre autour du nouveau musée. Elle sera gérée par des collaborateurs internes et des intervenants externes.

Luxemburger Wort: Le tourisme culturel a le vent en poupe en Europe. Y a-t-il concertation du ministère de la Culture avec le ministère du Tourisme pour promouvoir ce musée comme nouveau pôle d'attraction d'une clientèle touristique domestique et étrangère?

Octavie Modert: Il est très important que ces deux domaines collaborent bien ensemble. La culture représente une bonne partie du contenu du tourisme, et le tourisme est le marketing de la culture. La concertation est en cours, cela à tous les niveaux car il est important de le faire aussi sur les plans fonctionnel et organisationnel. Nous avons au Luxembourg un vrai pôle culturel. Il faut que les autres secteurs d'activité réalisent ce que cela peut apporter comme plus-value et attractivité pour notre pays, d'un point de vue touristique ou économique.

Luxemburger Wort: Pensez-vous qu'il y a une attente du public vis-à-vis de ce musée?

Octavie Modert: Je crois que oui. Il y a de la curiosité. De nombreuses personnes s'intéressent à l'histoire du pays, à la Forteresse. Je souhaite aussi qu'elles se sentent concernées par le débat sur l'avenir de notre pays. Ce sera un musée qui aura du succès.

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