Lumière sur les profils culturels: Danse et choréographie

"La danse est bien plus que juste des mouvements."

La danseuse et choréographe pluridisciplinaire Jill Crovisier, lauréate du "Lëtzebuerger Danzpräis 2019", partage son dévouement pour l'art du mouvement, qui l'a emmené aux quatre coins du monde. Un entretien sur son parcours et ses défis actuels s'est révélé un échange sur sa vision du monde, qui imprègne tout son travail.

©CICC photography Jill Crovisier dans sa pièce Zement, the solo
Jill Crovisier dans sa pièce Zement, the solo

 

Une grande salle noire, une musique forte, une pélouse artificielle et une jeune femme dans son élément. Elle danse, roule et rampe sur le tapis vert, parfois en mouvements doux et fluides, parfois au rythme rapide et saccadé, parfois avec des lunettes de soleil futuristes, parfois avec un bouquet de fleurs devant son visage.

C'est une impression de la pièce "The Hidden Garden", que la danseuse et choréographe Jill Crovisier a crée dans le cadre d'une résidence à la première édition du TalentLAB en 2016. C'est aussi un bel exemple pour une esthétique particulière aux expressions fortes, qui parcourt tout son oeuvre. Dans cette pièce, une personne envahit tout un territoire et devient de plus en plus préoccupée par des choses qui l'entourent jusqu'à se perdre elle-même. "Il y a des thèmes qui reviennent tout le temps, en particulier le thème de l'identité et de la relation au territoire. Je ne parle pas seulement du territoire géographique, mais aussi du territoire mentale et comment notre entourage influence notre perception", explique la danseuse.

Toujours en mouvement

Le fait que Jill Crovisier ait une relation très personnelle avec le sujet du territoire, est également évident dans sa biographie. Á l'âge de huit ans, elle a commencé sa formation en danse classique et contemporaine au Conservatoire de musique d'Esch. En 2005, à juste seize ans, elle a décidé de suivre la voie d'une danseuse professionelle et a rejoint la China EU Art school à Pékin. Depuis lors, ses formations et projets l'ont emmenée en Australie, au Laos, en Israel, aux Etats-Unis et encore bien d'autres coins du monde entier. Alors qu'elle est toujours en mouvement, son domicile reste toujours Rumelange où elle a grandi. Elle admire tout particulièrement sa mère et lui est reconnaissante de son soutien constant. Jill Crovisier s'adapte rapidement à de nouveaux lieux et circonstances. Peut-être un jour, elle aspirera à un foyer stable, mais pour l'instant, elle profite de l'opportunité de voyager à travers le monde et de faire de nouvelles découvertes. "Tous ces différents approches et styles de danse rencontrés pendant mes voyages nourrissent ma pratique actuelle."

La danse sous différents angles

Mais Jill Crovisier ne s'arrête pas là. Son ambition l'a poussée à approcher la danse de différents angles. Pour elle, le processus de recherche et d'édition de la musique pour ces piéces est un élément essentiel de son travail. Depuis 2013, elle produit des courts-métrages de danse et en 2017, elle a fondé sa propre compagnie sous le nom de "JC movement production". En plus, elle est aussi active dans des projets de thérapie par la danse. "La danse est bien plus que juste des mouvements. C'est une œuvre d'art totale. Comme la vie elle-même, la danse a de nombreuses facettes. Et j'ai juste une plus grande surface pour essayer toutes ces facettes et m'exprimer", révèle-t-elle.

C'est exactement cette diversité, qui a motivée le jury du "Lëtzebuerger Danzpräis 2019", prix bisannuel du ministère de la Culture: "La lauréate a convaincu le jury à l'unanimité par la qualité et la cohérence de sa démarche artistique pluridisciplinaire." Jill Crovisier est très reconnaissante pour cette distinction, mais elle garde la tête sur les épaules: "Une reconnaissance officielle est toujours une bonne chose, car le chemin d'un artiste est long et ardu. Il y a sûrement des personnes qui sont plus talentueuses, mais qui n'ont jamais eu la chance de monter sur scène et auraient mérité bien d'autres prix. Il faut tout mettre dans son contexte. Pour moi, un prix comme celui-ci ne doit pas signifier que j'ai atteint un point où tout est parfait. Ce serait un faux sens de ma voie créative."

Ouvrir de nouvelles portes

2020 s'annonçait comme une année prometteuse pour la choréographe, mais la crise du Covid-19 a tout chamboulé: D'abord, elle a été choisie pour participer au Festival OFF d'Avignon 2020 avec le soutien du ministère de la Culture et devrait y présenter sa pièce "The Hidden Garden". Mais suite aux annonces gouvernementales, le Festival a été annulé. Alors que le festival à été reporté à 2021, le Théâtre de la Danse Golovine à Avignon l'a quand même invitée pour une Masterclass et une résidence de recherche du 6 au 10 juillet.

En plus, elle avait reçu une invitation de créer une pièce pour l'Institut de danse contemporaine de la Folkwang Universität der Künste à Essen du 30 mars au 20 juin 2020. "Un rêve que je n'aurais pas pu rêver", confie-t-elle. Et là, elle a a été fortement affectée par l'annulation de la résidence à l'institution, où Pina Bausch, un de ses modèles, avait été formée. Néanmoins, la Luxembourgeoise se remet en place: "Nous en sommes tous affectés, mais pas de la même manière. Bien que nous soyons tous dans le même bateau, j'ai toujours l'impression d'être sur un yacht. J'ai le droit d'être triste, mais en tant qu'adulte, on doit être capable de faire face à la situation. La chose la plus importante maintenant est la famille et les personnes qu'on aime. Le monde ne va pas s'écrouler, juste parce que j'ai perdu un emploi."

Au lieu de désespérer, elle reste productive en mettant à jour son site, en travaillant sur des vidéos et en lançant des applications pour des festivals de court-métrages. Récemment, son film "NILYNDA" a été choisi pour le Los Angeles Dance Shorts Film Festival. "Je peux faire passer un message, sans devoir être présente en personne." De nouveaux projets s'annoncent pour la rentrée, p.ex. son nouveau spectacle "JINJEON", qu'elle développera pendant une résidence choréographique à Annonay de septembre à novembre 2020. "Il est important de ne pas se laisser abattre et d'essayer de garder espoir. On doit se rendre compte que, quelle que soit la situation dans laquelle on se trouve, en tant qu'artiste, c'est toujours à toi-même d'ouvrir de nouvelles portes". Et c'est exactement ce que Jill Crovisier a prouvé plus d'une fois au cours de sa carrière.

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