La ministre de la Culture, Octavie Modert, au sujet des principaux dossiers culturels

Le Quotidien: Cela fait un peu plus d'un an que vous occupez le poste de ministre de la Culture. Comment vous sentez-vous? Est-il temps de prendre des vacances?

Octavie Modert: Oui, effectivement, il est utile de bien se reposer quand on travaille beaucoup. Mais les dix jours de congé d'été que j'aurai à ma disposition ne suffisent guère, sachant qu'à part la Culture, j'ai d'autres ministères en charge. Et il faut dire sans exagération qu'ici, au ministère de la Culture, nous sommes loin d'avoir trop de personnel. Toutefois, j'aime ce ministère. Le travail y est intensif, mais très plaisant.

Le Quotidien: Si vous deviez dresser un bref bilan de l'année dernière, que diriez-vous?

Octavie Modert: La matière que nous avons traitée était assez vaste, il est donc difficile de faire un résumé en quelques phrases. Mais je mettrais pourtant l'accent sur tout ce que nous avons fait dans le domaine de l'accès à la culture, de la sensibilisation des jeunes et, aussi, dans la promotion d'artistes. Enfin, le ministère de la Culture couvre énormément de domaines et de disciplines. Une vingtaine d'administrations (instituts culturels) et d'établissements publics dépendent directement de mon ministère et quatre-vingts en dépendent indirectement. Juste pour montrer l'étendue de mon ressort.

Le Quotidien: Quel était pour vous le dossier culturel le plus important?

Octavie Modert: Le projet de loi sur la décentralisation des bibliothèques publiques était clairement un des grands moments de l'année. Le but était de donner de nouvelles impulsions à un paysage bibliothécaire qui, au Luxembourg, est très mal développé. Cela ne veut pas dire que je méconnaisse les efforts qui ont été faits pendant les dix dernières années, notamment grâce à l'engagement bénévole. Mais il faut dire que par rapport aux communes, le nombre de bibliothèques était faible. Mon projet de loi a essuyé beaucoup de critiques parfois très contradictoires. D'un côté, les bibliothécaires espéraient que des postes allaient se libérer pour eux, d'autres voix demandaient de valoriser l'implication massive des bénévoles. Personnellement, j'ai essayé de combiner les deux. Le bénévolat sera davantage valorisé, mais des employés professionnels engagés à temps plein ou partiel les épauleront.

Le Quotidien: Diriez-vous donc que vous avez trouvé votre place à la Culture?

Octavie Modert: Oui. C'est avec plaisir que j'ai jeté mon ancre ici. J'ai déjà exercé ce poste lors de la période législative précédente en tant que secrétaire d'État à la Culture - l'équivalent d'un ministre au Luxembourg - et j'avais demandé à pouvoir continuer à assurer le poste de ministre de la Culture.

Le Quotidien: Ceux qui vous critiquent vous reprochent de ne pas avoir de connaissances assez profondes de la culture pour occuper cette fonction. Que leur répondez-vous?

Octavie Modert: Les personnes dont vous parlez ne se donnent même pas la peine d'avoir une vision globale de ce qui a été fait dans le domaine de la culture ces dernières années. Vus ainsi, leurs commentaires sont une insulte à mon travail. La superficialité, ce n'est pas sérieux. La Culture, comme la politique, ne peut pas être qu'un jeu d'apparences. Et il faut considérer que le point de départ de la critique est une revendication individuelle. Par ailleurs, la politique culturelle ne se réduit pas au domaine de la littérature. Il faut aussi se rendre compte de ce qui se passe en dehors de cette discipline.

Le Quotidien: L'Association des bibliothécaires, archivistes et documentalistes (NDLR: Albad) vous reproche, entre autres, d'avoir imposé aux bibliothèques, par règlement grand-ducal, un certain nombre de publications obligatoires. Pourquoi avez-vous décidé cela?

Octavie Modert: Pour commencer, il faut dire que ce genre de publications se retrouvent déjà dans les rayons des bibliothèques du pays. Les bibliothèques sont un instrument important de la société du savoir et des connaissances. Leur fonction est donc de développer le goût pour la lecture des gens et de leur donner accès à des ouvrages standard qu'ils ne trouveront pas ailleurs. Nous avons également besoin d'un endroit où nous pouvons proposer au lecteur les nombreuses publications du marché luxembourgeois et la littérature luxembourgeoise. Il est aussi essentiel que des ouvrages sur l'histoire luxembourgeoise ou la construction européenne s'y retrouvent. Le but n'est pas de faire naître des bibliothèques scientifiques partout, mais de créer des endroits où les gens peuvent s'informer. Cela concerne aussi les personnes immigrées qui ont parfois beaucoup plus l'habitude de fréquenter les bibliothèques que les Luxembourgeois. Ceux-là doivent aussi avoir la possibilité de mieux connaître le pays.

Le Quotidien: Restons dans le monde des livres. Un certain Guy Rewenig vous a farouchement attaquée en public. Pourquoi faut-il être membre de la Fédération des éditeurs pour pouvoir participer aux grandes foires internationales?

Octavie Modert: Je souhaite à M. Rewenig que son livre se vende bien après toute la pub qu'il s'est faite. En ce qui concerne ultimomondo, sa maison d'édition, je peux juste constater que M. Rewenig ne veut pas entrer dans le système courant de la Fédération des éditeurs. Entre-temps, d'autres éditeurs ont à nouveau trouvé leur place dans la Fédération après son renouveau, réalisé en partie grâce à nos efforts. Pour le reste, je suis confiante.

Le Quotidien: Pourquoi n'avez-vous pas réagi aux critiques de Guy Rewenig tout de suite ou au plus tard à la remise du prix Servais?

Octavie Modert: Un responsable politique ne réagit pas à des lettres ouvertes publiées dans les journaux (NDLR: la lettre de Guy Rewenig avait été publiée dans le Lëtzebuerger Land). Bref, celui qui veut dialoguer n'utilise pas de lettres ouvertes. Et puis, quand les médias m'ont demandé de réagir, je l'ai fait. Je trouve que la remise du prix Servais n'était pas l'occasion pour polémiquer. J'ai dit des choses entre les lignes dans mon discours. Mais je ne voulais pas trop attirer l'attention. Priorité aux artistes: Nathalie Ronvaux, jeune écrivain, et je suis très fière qu'un nouveau talent ait eu le prix, Tania Naskandy, ou plutôt Guy Rewenig.

Le Quotidien: Quelles sont vos relations aujourd'hui?

Octavie Modert: À la fin de la remise du prix Servais, il m'a invitée à venir boire un verre avec lui. Il m'a dit qu'il appréciait le vin luxembourgeois, ce qui m'a évidemment fait plaisir et sourire. Non... je n'ai pas l'intention de nourrir la polémique. Mon principe est de travailler pour la culture et non pas pour les apparences. Mes relations avec Guy Rewenig sont normales, il n'y a pas de problème.

Le Quotidien: Le musée de la Forteresse aura englouti plus de quarante millions d'euros. Quand les travaux serontils définitivement terminés?

Octavie Modert: Je suis contente de pouvoir maintenant prendre un nouveau départ dans ce dossier. Pendant trois ou quatre ans, nous ne pouvions pas travailler sur place, puisque tout le dossier a dû être remis en état. Il reste encore du travail. Je dirais qu'il faudra encore deux ans. J'ai repris ce dossier en 2006. Quelques mois après, j'ai réalisé qu'il y avait des choses qui n'allaient pas. Enfin, nous avons réussi à faire jouer la transparence. Nous avons désormais une bonne base, des services bien organisés, une gestion comptable et une planification qui rassurent. Nous pouvons donc finaliser le musée en toute sérénité et la première étape a été l'ouverture du circuit Vauban, qui passe également par le musée Dräi Eechelen.

Le Quotidien: L'aménagement des hauts fournaux A et B en Centre national de la culture industrielle (CNCI) à Esch-sur-Alzette ne risque-t-il pas d'emprunter le même chemin interminable?

Octavie Modert: Nous sommes en pleine crise et cela, nous ne pouvons pas l'ignorer. Et quand on a moins d'argent à sa disposition, il faut bien veiller à l'utiliser avec lucidité. Le budget de l'État présente quelque 1,9 milliard de déficit et la situation ne sera certainement pas assainie dans les deux prochaines années. Il faut donc définir des priorités. Des projets qui n'ont pas encore été entamés peuvent facilement être suspendus. Cela est également le cas pour le CNCI. J'aurai préféré me lancer tout de suite dans ce projet, mais rien n'empêche de le reporter. Pour l'instant, d'autres domaines nécessitent plus d'attention, la prise en charge, par exemple, des jeunes en difficulté et des seniors défavorisés. Si nous pouvons faire des progrès sur ce plan, je mettrai volontiers en suspens le CNCI.

Le Quotidien: Face à la crise, la culture devra-t-elle faire plus de sacrifices que d'autres domaines?

Octavie Modert: Non, ce n'est pas le cas. J'ai toujours dit: s'il faut se serrer la ceinture, ce ne sera pas uniquement à la Culture de le faire. Mais la Culture est solidaire. D'un autre côté, il faut bien voir ce qui a été réalisé, ces dernières années, quand nous avions plus de moyens, au niveau des infrastructures, par exemple. Je vois le ralentissement actuel comme une étape normale du cycle.

Le Quotidien: Comment voulez-vous marquer durablement le paysage cuturel du pays?

Octavie Modert: En travaillant à l'approfondissement de la politique culturelle. La scène culturelle doit dépasser son cadre actuel. Je pense à prendre plus de mesures de nature structurelle. Dans la promotion des jeunes artistes, par exemple, beaucoup a été fait ces cinq dernières années. J'aimerais accélérer ce processus.

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