Conférence du président de la Bibliothèque nationale de France (BnF)

Le 27 octobre 2011, la Bibliothèque nationale de Luxembourg en partenariat avec l’Institut français du Luxembourg, avait invité à une conférence du président de la Bibliothèque nationale de France (BnF), Bruno Racine, consacrée au thème: "La BnF et les défis du numérique". La conférence était placée sous le haut patronage de la ministre de la Culture, Octavie Modert, et de l’ambassadeur de France au Grand-Duché de Luxembourg qui avaient tenu à honorer la manifestation de leur présence.

Après avoir rappelé devant un parterre nombreux et fort intéressé les parallèles entre la "révolution numérique" et la "révolution Gutenberg", entraînant toutes les deux de nombreux changements insoupçonnées à l’origine, d’ordre matériels, intellectuels, économiques et juridiques, le président de la BnF a invoqué le "défi Google", le succès de Google Books lancé en 2005, qui a contraint les bibliothèques à prendre position et à accélérer et intensifier leur projets de numérisation en cours. Ainsi la BnF est passé à la numérisation de masse en 2008, tout en dotant sa base de données Gallica, mise en ligne en 1997, de puissantes fonctionnalités de lecture et de recherche plein-texte. Gallica sera enrichie prochainement d’un moteur d’indexation et de recherche sémantique. La BnF vise une collection exhaustive du patrimoine documentaire français (du manuscrit au livre contemporain) à un horizon de 15/20 ans, avec un rythme de numérisation de 70.000 livres par an, dont 70% provenant des collections de la BnF et 30% d’autres bibliothèques françaises, l’État français souhaitant centraliser les opérations de numérisation afin d’éviter des doubles emplois, de rationnaliser les financements tout en offrant à chaque citoyen français un accès au patrimoine au niveau national, régional et local.

Afin de parer au défi du coût élevé du financement d’une numérisation de masse de haute qualité, l’État français a développé un modèle spécifique pour dégager des ressources supplémentaires aux financements publics existants (7 millions € par an pour la BnF). Dans le récent emprunt national pour stimuler la croissance, 750 millions € ont été réservés à la numérisation de biens culturels sous réserve de cofinancements à obtenir de la part du secteur privé. À cet effet, la BnF a lancé en juillet 2011 un appel public à partenariats. Afin d’éviter "le trou noir du 20e siècle", c’est à-dire l’impossibilité de rendre accessibles au public les ouvrages publiés au cours du 20e siècle suite à la législation sur les droits d’auteur en vigueur en Europe, un accord a été conclu en février 2011 entre les ayants droit français, le ministère de la Culture et le commissariat général à l’investissement pour la numérisation des œuvres du XXe siècle. Cet accord devrait permettre la numérisation d’environ 500.000 livres qui restent sous droits mais qui ne sont plus disponibles dans le commerce. L’objectif est de susciter une nouvelle exploitation commerciale sur Internet de ces livres par les acteurs du secteur du livre, permettant une rémunération équitable des ayants-droits. Les œuvres numérisées seront signalées dans Gallica avec un aperçu des textes dans une proportion limitée mais significative. Une nouvelle loi, dont l’adoption est prévue en 2012, établira un cadre légal pour la gestion collective obligatoire des droits numériques des œuvres épuisées.

Outre la numérisation du patrimoine existant, les bibliothèques nationales sont confrontées à un autre grand défi: la collecte de la mémoire née numérique de la nation, tout particulièrement l’archivage du web. En France, le "dépôt" légal du web est inscrit dans la législation depuis 2006. Pour répondre à cette obligation légale, la BnF recourt à des web crawler pour moissonner le web à grande échelle, l’exhaustivité n’étant pas réalisable au stade actuel. Afin de sauvegarder les données numériques à long terme, la BnF a développé le projet SPAR (Scalable Preservation and Archiving Repositry) qui fait autorité dans le monde de la préservation pérenne des ressources numériques.

Gallica est moissonnée par Europeana, la bibliothèque numérique européenne, dont la BnF est l’un des principaux contributeurs.

Bruno Racine, dans ses conclusions, a souligné que "la numérisation n’est pas l’ennemi du livre" mais que "tout retour en arrière est impossible". La mise en ligne des collections sous forme numérique a permis d’attirer un nombre de "lecteurs" que les murs des bibliothèques ne permettraient pas de tenir. Néanmoins il faut se préserver de l’illusion que la masse croissante de "contenus" disponibles en ligne et la rapidité d’accès seraient, en elles-mêmes, garantes d’une élévation du niveau scientifique et intellectuel. "Un "nouvel humanisme numérique" est à construire, car on ne peut aborder les évolutions en cours sous le seul angle de leur technologie." Sur ce champ les bibliothèques, avec leurs compétences, leurs services et leurs bâtiments physiques, auront un rôle important à jouer.

Aussi bien la ministre de la Culture, Octavie Modert, que la directrice de la Bibliothèque nationale ont souligné le rôle précurseur et de force d’impulsion joué par la Bibliothèque nationale de France en de nombreux domaines. La ministre de la Culture a félicité les gouvernements français successifs ainsi que le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, pour leurs nombreuses initiatives sur le parquet européen qui ont joué un rôle déterminant pour faire avancer la stratégie numérique de l’Union européenne. Elle a souligné en particulier l’action décisive du président de la République Jacques Chirac dans la mise en œuvre d’Europeana. La ministre de la Culture, après avoir rappelé que la numérisation de masse et l’archivage numérique faisaient partie du programme du présent gouvernement, a souligné la nécessité d’accélérer les efforts que ce soit à l’échelle européenne ou sur le plan national.

L’ambassadeur de France s’est félicité des bonnes relations de coopération entre la Bibliothèque nationale de Luxembourg et la Bibliothèque nationale.

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